Les nouvelles coupures à valeur faciale élevée vont-elles entraîner la hausse de l’inflation en R D CONGO?

Les nouvelles coupures à valeur faciale élevée vont-elles entraîner la hausse de l’inflation en République démocratique du Congo (RDC) ?

Depuis le lundi 2 juillet 2012, la Banque centrale du Congo vient de mettre en circulation  de nouveaux signes monétaires à valeur faciale élevée notamment de 500 FC, 1000 FC, 5000 FC et 10000 FC. Le but de cette opération est selon les Autorités monétaires Congolaises de pouvoir répondre aux besoins en liquidités monétaires du secteur bancaire.

Mais cette justification ne convainc personne. Nous savons tous que la politique monétaire de la BCC est soumise aux diktats de la camarilla politico-militaire qui a besoin de beaucoup d’argent pour financer la guerre à l’Est du Congo, en province montagneuse du Kivu.

La mise en circulation de ces nouvelles coupures va dans un premier temps chasser les anciennes petites coupures en circulation et entrainer une course effrénée de fabrication des nouvelles. Cette démonétisation tacite des anciennes coupures va enclencher une surenchère des prix.

Par ailleurs, la monétisation des déficits gouvernementaux pour financer les activités de l’Etat occasionne une création monétaire ex nihilo, c’est-à-dire qui n’est pas commandée par les besoins de l’économie. Dans ce cas de figure, on voit bien qu’au moment où la masse monétaire sera entrain d’augmenter du fait de l’arrivée de nouvelles coupures, la richesse produite ne suivra pas à court terme. En termes réels, c’est-à-dire en pouvoir d’achat, il y aura plus d’unités monétaires pour acheter 1 unité de bien ou de service, ce qui signifiera que l’unité monétaire perdra son pouvoir d’achat et les prix se verront augmenter.

En effet, l’histoire monétaire récente du Congo-Zaïre qui était caractérisée par l’hyperinflation dont l’origine était monétaire, aurait pu dissuader la BCC et le Gouvernement Congolais à sortir trop de gros billets de banque d’un coup.

Voulant contrer le processus de démocratisation enclenchée en 1990, le Président MOBUTU a exigé de la Banque du Zaïre de l’époque la planche à billets afin d’avoir des moyens (pajeros, argent,…) de corrompre les chefs militaires, les opposants politiques et les représentants du peuple qui étaient venus à la Conférence Nationale.

Tout le monde se souvient de l’épisode de 50 nouveaux zaïres qu’on avait surnommé « Mokomboso » (Gorille) qui ont été démonétisés par le Premier Ministre Etienne Tshisekedi, une fois élu par la CNS car il était établi que Mobutu et ses hommes ( appelés les « Mouvanciers », allusion faite à la Mouvance présidentielle) en détenaient des stocks dans leurs maisons. Et c’est suite au respect de la démonétisation de 50 NZ mokomboso dans les 2 Kasaï, où la circulation de ce signe monétaire n’a jamais était acceptée, qu’était né ce qu’on a appelé l’Espace monétaire Kasaïen (Kabuya Kalala et Matata Ponyo, 1999). Cette politique monétaire laxiste de la Banque centrale du Zaïre a été la cause principale du basculement du pays dans l’hyperinflation.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est normal qu’on s’attende à une hausse des prix due à cette création monétaire  dictée par le souci d’accorder du crédit à l’Etat et aux anticipations que les agents économiques feront désormais sur la valeur future de la monnaie. En effet une Brigade militaire (7000 hommes) en opérations coûte en moyenne 1 million de dollars par jour. Avec la nouvelle rébellion qui sévit dans le Kivu depuis avril 2012, la planche à billets finira par tourner à fonds pour financer l’effort de guerre. Dès lors, il y a lieu de s’attendre à pire à moyen et long terme. C’est pour cette raison que je ne crois pas dans les assurances de stabilité de prix claironnées par MM. Kayembe et Ngonga, Directeurs à la BCC lors de leurs différentes tournées à travers Kinshasa.

Bibliographie

KABUYA KALALA et MATATA PONYO (1999), L’espace monétaire kasaïen. Crise de légitimité et de souveraineté en période d’hyperinflation, L’Harmattan, Paris.